Page 5 - Adec-Bulletin 04-2005
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Bulletin de l’Association “Les Amis de Comiac” (ADEC)                                                       Numéro 4 -  2005 -  Page 6


             pagnie  ne  pouvait  plus
             tenir,  nous  avons  reçu
             l’ordre  de  battre  en  re-
             traite, en traversant un
             petit bois de 200 mètres
             et un champ de 300 mè-
             tres  en  pleine  vue  des
             allemands.  Arrivés  au
             bout  du  champ,  il  y
             avait une route. A peine
             mis  dans  le  fossé  que
             leurs  mitrailleuses  et
             leurs  rafales  de  balles
             ont  rasé  le  sommet  du
             fossé  et  leurs  obus  de
             canons dégringolaient la
             crête  du  fossé.  Cela
             nous  retenait  là,  nous
             ne  pouvions  plus  battre
             en retraite.

             Pour  le  moment  nous
             avions  une  bonne  posi-
             tion  pour  tirer  sur  ceux  qui  marchaient    muer  de  peur  qu’ils  m’aperçoivent.  Je  ne
             vers nous, on leur en a bien tué ou blessé       sentais  plus  mes  bras  et  mes  jambes  tant
             300.  Mais  notre  tour  n’a  pas  été  loin  car   ils  étaient  endormis.  Ah  quelle  triste  nuit
             l’autre  compagnie  n’a  pas  pu  tenir,  alors   que j’ai passée.
             eux (les allemands) gagnèrent le village de
             Mélicoque.  En  se  mettant  sur  deux  rangs,   A la pointe du jour, viennent un sergent et
             sur  la  route,  ils  nous  tirèrent  de  flancs,  à   4 soldats pour regarder dans nos sacs. Un
             250 mètres et tous ceux qui essayaient de        type  tirait  ma  baïonnette  pour  voir  s’il  y
             s’enfuir avançaient en dégringolant. Quant       avait  du  sang  dessus.  Ah  là  par  exemple,
             à  moi,  j’ai  vu  que  j’étais  foutu,  je  me  suis   j’ai  bien  cru  qu’il  allait  m’enfiler  !  Je  me
             lancé  à  plat  dans  le  fossé  pour  leur  faire   suis  dit  adieu  ma  pauvre  petite  et  chère
             croire que j’étais tué.                          Louise, adieu papa maman. Enfin, il a re-
                                                              mis la baïonnette dans son fourreau en me
             En peu de temps, il y a eu 78 morts, 8 bles-     respectant.
             sés, 10 prisonniers et 3 ou 4 qui ont réussi
             à s’enfuir.                                      Un  instant  après  ils  sont  repassés  pour
                                                              charger  les  blessés,  les  sacs  et  les  armes.
             Enfin la tombée de la nuit arrive. La batail-    Quand  ils  ont  eu  chargé  deux  blessés  de-
             le  est  finie.  Six  soldats  allemands  descen-  vant moi, l’un d’eux arrive en disant: celui-
             dent  la  route  pour  voir  les  morts.  Moi  je   ci n’a pas de sang ! Il m’attrape par le four-
             pensais, si on ne te voit pas maintenant tu      nissement  et  me  lève.  Je  me  suis  dit  :  il
             auras la chance de te cavaler dans la nuit.      faut ressusciter ici ? Je me lève mais je ne
                                                              pouvais  pas  tenir  sur  mes  jambes  endor-
             Une heure après on a sonné le rassemble-         mies. Blessé ? qu’il me demande. Non, ma-
             ment et les trois régiments allemands sont       lade  je  lui  réponds.  Ah  cochon  tu  voulais
             venus  se  rassembler  là,  au  milieu  de  moi,   t’échapper ! Il fallait me rendre ou me faire
             pour y cantonner. Et moi, je n’osais pas re-     tuer.
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